Editorial n°279 – Décembre 2018
Nous, c’est « chasubles rouges » !
La mobilisation dite « des gilets jaunes » résulte de multiples facteurs dont l’impact du prix des carburants n’est que la partie émergée d’un ensemble de contestations au sujet du pouvoir d’achat mais aussi de l’accroissement des inégalités et d’une injustice sociale et fiscale désormais apparente dans sa cruauté la plus brutale.
Toute considération politique mise de côté, force est de constater que les pouvoirs publics (au sens large) ont sciemment contourné (voire méprisé) les syndicats.
Après avoir pendant les dernières années répété que ceux-ci ne représentaient plus personne (et fini par convaincre une bonne partie de l’opinion publique), le pouvoir politique fait désormais face à une contestation sans structure ni organisation qui véhicule des messages extrêmement variés.
De plus, cette expression sans organisation ni représentants est basée sur un concept pour le moins inhabituel : ni emprise politique, ni influence syndicale, ni leader !
Autant dire, une mobilisation chaotique, hélas rapidement confirmée par le bilan de la première vague de mobilisation : 2 morts et 500 blessés sur les points de blocage routier…
Dans ce contexte, cette crise est révélatrice d’une perte globale de confiance envers les structures collectives chargées de défendre l’intérêt public, quelle que soit leur nature.
Ainsi, a émergé dans les médias l’image du quidam n’ayant « jamais manifesté de sa vie ni participé à aucune œuvre collective » et portant subitement les habits visibles de la contestation, investie d’une auto-désignation représentative…
Tout militant syndical normalement constitué ne peut qu’être choqué que l’on établisse comme vertu cardinale de ne s’être jamais investi de sa vie dans un combat collectif, comme s’il était noble de ne s’être occupé que de soi, comme si la légitimité venait d’une « virginité d’engagement ». Est-ce à dire que toute personne engagée syndicalement serait, par nature, suspecte ou corrompue ?
A l’évidence, l’individualisation forcenée de la société et la démolition systématique du collectif finit par porter ses fruits dans l’opinion publique. Si cette contestation est légitime dans la dénonciation des injustices que chacun peut constater, il n’en reste pas moins qu’elle est aussi un symptôme de la perte du sens de la notion collective.
Les impôts et taxes (dont nous constatons depuis longtemps la nature inégalitaire et dont nous appelons à une réforme profonde) ne sont plus vécus comme étant contributifs de la solidarité mais comme confiscatoires. Perdant de vue toute notion collective, un contribuable qui estime qu’il contribue plus qu’il n’en tire bénéfice a une vision individuelle (pour ne pas dire nombriliste) de la société.
Pire encore, la contestation de la contribution individuelle au profit du collectif est le germe de la contestation ultérieure de toute la protection sociale collective : « je ne suis jamais malade et je n’ai jamais été chômeur, pourquoi devoir payer pour les autres ? ».
Un danger nourri par la confusion généralisée entre impôt, taxe, charge et cotisation sociale…
Fidèles à leurs valeurs fondamentales, les militants FO privilégient toujours la négociation et la défense des droits collectifs. Mais il nous faut aussi argumenter pour ré-introduire une conscience générale collective…
Si le jaune se voit de loin, en ce qui nous concerne, c’est encore et toujours chasuble rouge avec logo FO !
Olivier CLARHAUT,
Secrétaire Général