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Editorial n°265 – Juin 2015

Quand le législateur incite à bafouer le droit du travail

Les mesures annoncées début juin par le Premier Ministre, concernant l’emploi dans les  très petites entreprises (TPE), sont particulièrement scandaleuses.

On annonce un plafonnement des indemnités accordées par les Prud’hommes pour les licenciements… Comme d’habitude, on mélange tout pour que personne ne comprenne de quoi l’on parle !

Cette mesure ne concerne  pas l’indemnité de licenciement due au salarié par l’employeur, dont le montant est défini par le Code du Travail et/ou la convention collective, selon l’ancienneté. Il s’agit de bien autre chose !

Un salarié licencié peut contester la nature du licenciement s’il l’estime abusif. L’organisation syndicale qui assiste le salarié en question peut l’encourager à entamer une action auprès du Conseil des Prud’hommes si les faits plaident en sa faveur ou, dans le cas contraire, l’inciter à la prudence.

Une fois le dossier constitué et plaidé devant le Conseil des Prud’hommes, celui-ci peut décider de considérer le licenciement comme abusif et accorder au salarié une somme au titre de dommages et intérêts en réparation du  préjudice causé par un employeur qui n’a pas respecté le droit du travail.

C’est cette réparation que le gouvernement vient de décider de plafonner pour que les employeurs puissent en prévoir le coût à  l’avance !

On savait déjà que le patronat réclame un assouplissement du Code du Travail au nom de la compétitivité des entreprises. Clairement : pouvoir virer plus facilement les salariés pour être capable (peut-être) de créer des emplois plus tard.

Mais ici, on va beaucoup plus loin dans la perversité et l’insupportable. Il faut que les entreprises ne soient pas trop pénalisées si elles licencient les  salariés en ne respectant pas le droit du travail ! On croît rêver !!

Imaginez que l’on adapte ce principe à un autre domaine. Imaginez un constructeur automobile qui utiliserait des freins fabriqués à bas coût et qui exigerait de limiter les peines de justice qu’elle risquerait en cas d’accident mortel… Le tout pour ne pas porter atteinte à la santé de l’industrie automobile. Ce serait proprement insupportable, non ?

C’est, toutes proportions gardées, ce que qui se passe dans cette affaire ! Si on voulait encourager les employeurs à virer les salariés n’importe comment, on ne s’y prendrait pas autrement !

Dissuader les salariés d’aller aux Prud’hommes au nom de la compétitivité des entreprises… Le MEDEF en a rêvé ? Valls l’a fait !

Par contre, certaines choses ne choquent pas le MEDEF :

  • un patron que l’on accueille dans une entreprise du CAC 40 et à qui on offre un « golden hello » de 2 millions d’euros,
  • un patron qui quitte cette entreprise avec un « golden parachute » de 4 millions d’euros et une retraite chapeau (sur-complémentaire) de 300 k€ par an… Pas de problème !

Mais un salarié que l’on jette comme un citron pressé à sec et qui obtient (souvent de haute lutte) quelques mois de salaire comme réparation du préjudice subi, c’est insupportable !

Jusqu’à quand les salariés supporteront ils ce mépris non dissimulé ?

Olivier CLARHAUT,
Secrétaire Général